AURELIA & YANNICK

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— Je suis Vietnamienne née en France.

— Et moi Antillais né à Nantes. Je me présente comme Breton.

— On s’est rencontrés sur un forum de discussion antillais. J’aime bien la culture antillaise ! On a parlé par ordinateur au moins pendant six mois.

— Je reportais notre rencontre : j’attendais d’être libre. J’étais un peu coureur… Puis je l’ai invitée à mon anniversaire. J’avais une émission de radio sur Internet, une émission musicale qui tombait le soir de mon anniversaire. J’ai peu de famille ici, que des amis. Ça se passait chez moi. Je l’ai vue descendre de sa voiture. Elle avait un manteau noir. Il y a eu un déclic.

— J’avais fait un gâteau au chocolat. Chez lui, il m’a donné une sorte d’alliance en plastique et m’a demandée en mariage en plaisantant. 

— C’était une demande un peu comique mais ça voulait dire beaucoup.

— Le lendemain, je suis venue l’aider à faire le ménage dans son studio. Je voulais le revoir. J’ai passé l’aspirateur et on s’est embrassés. C’est le premier homme que j’ai présenté à mes parents. Ma mère nous a invités à déjeuner, mon père ne le savait pas. Il était bien obligé de manger avec lui et de le connaître. Puis on a commencé à cohabiter. Pour me rapprocher de mes études. Une fois par semaine, puis deux, puis toute la semaine. On a commencé à évoquer le mariage…

— Moi je n’étais pas vraiment sûr de l’aspect cérémonial de la chose. Je n’en voyais pas l’intérêt. Il fallait en faire quelque chose de ce mariage. Montrer notre union et réaliser la fusion. J’ai donc fait ma demande. Dans un restaurant africain. J’ai acheté une bague. Je l’ai posée sur la table…

— J’ai ouvert la boîte et j’ai compris. Je l’ai remercié. Quand j’ai annoncé les fiançailles, mes parents étaient contents mais ils voulaient faire une fête traditionnelle.

— Il a fallu improviser pour satisfaire tout le monde.

— On a fait un repas de famille. Je suis bouddhiste.

— Et moi protestant adventiste. On était le dernier mariage avant le week-end. Les employés de la mairie étaient pressés, mais ça s’est passé dans la bonne humeur.

— Au dîner, les tables portaient les noms des villes qu’on avait visitées ensemble.

— Paris, c’est un lieu de culture où on peut rencontrer des gens si différents. Ici on se fond dans la masse. À Paris, il y a moins de préjugés, c’est plus facile de s’adapter.

— Je ne pense pas que les mentalités aient évolué, la mixité culturelle s’est imposée mais les gens ont toujours les mêmes préjugés.

— C’est difficile d’accepter un noir dans une famille asiatique !

— On s’est rencontrés par la curiosité de la culture de l’autre. Mais non : les choses n’ont pas changé. Il ne faut pas romancer. La culture française ne s’enrichit pas tant que ça des autres cultures.

© Gérard Uféras