BORANE & ROLAND

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— Nous sommes tous les deux d’origine cambodgienne. Nos familles fuyaient les Khmers rouges, nous sommes nés lui en Allemagne, moi en France. Nos familles se sont installées en banlieue et nous nous sommes rencontrés dans une association cambodgienne où l’on nous apprenait nos traditions. Une sorte d’école des fêtes culturelles. On montait des spectacles, on participait à la chorale… Nous étions très jeunes. Et un jour on s’est retrouvés par hasard dans le RER. On a discuté, on s’est raconté ce qu’on était devenu. On était content : on avait grandi tous les deux.

— C’est comme ça qu’on s’est revus. Puis on s’est fait une raclette. Et MSN c’est très bien !

— Je suis parti quelques jours au Cambodge. Elle m’avait demandé de lui ramener du riz sec écrasé. Je l’ai fait : c’était un bon prétexte pour la revoir à mon retour !

— Il m’a pris la main… Le mariage était au bout du chemin. Je voulais une demande en bonne et due forme, alors j’ai attendu.

— C’est l’honneur qui est en jeu. Si notre relation ne marchait pas, c’est le nom de la famille qui aurait été sali. Le mariage, c’est une marque de respect pour les anciens. Je ne sais pas bien faire les cadeaux : j’ai honte ! Alors je suis allé acheter une bague au centre commercial… Puis, j’ai préparé toute la maison, je l’ai transformée en paradis. Des pétales de roses recouvraient le sol, j’ai acheté les bougies, les chandeliers, le saumon, le riz, les serviettes… Tout était illuminé, même le couloir du bâtiment et l’ascenseur.

— Quand je suis arrivée, j’ai cru que je m’étais trompée d’étage, j’ai failli redescendre ! Sur le palier, il y avait des pétales, une marmotte en peluche avec une boîte dans les pattes, j’ai ouvert la porte, j’étais bouche bée… À la fin du dîner j’ai dit « Oui ». La semaine finissait bien. Je suis tombée sur un Cambodgien, mais je n’étais pas contre le fait d’épouser un Français. L’essentiel c’est l’amour. Même si c’est mieux d’avoir les mêmes références.

— La France nous a donné la chance de travailler, d’avoir quelque chose et de le transmettre. L’état de droit nous a permis de nous intégrer et de nous épanouir.

— Ici, on a la liberté. On peut vivre nos traditions. Cela nous semble naturel maintenant.

— La maire adjointe qui nous a mariés était Antillaise. La France est le pays qui nous ressemble le plus. Ici on peut tous cultiver nos racines. On s’enrichit les uns les autres.

— Ce qui a changé ? Je porte son nom. J’ai de nouveau confiance en moi-même.

— Moi je suis aux anges !

— On se sent unis. On est un couple. On est tranquilles.

— Le mariage nous a renforcé. Le destin nous dira la suite.

© Gérard Uféras