OLIVIA & SERGE

39_08.jpg

— Nous sommes tous les deux Français d’origine Africaine. Elle est du Congo, moi du Bénin. Nous avons des façons de penser, des histoires très différentes. J’étais en quête d’une sensation spirituelle. Je sortais d’une ancienne relation catastrophique et je ne voulais plus entendre parler des filles. Plus jamais. Je ne voulais plus recommencer mes erreurs. Mais quand je l’ai vue, j’en ai eu des frissons. Des frissons énormes. Je me suis dit «La piqûre est rentrée ». J’ai tout fait pour que ça ne marche pas, je lui ai dit que j’étais vieux, que j’avais déjà un enfant. J’ai tout fait pour l’éloigner. Mais tout se faisait pour que ça marche. On battait tous les records de communication par téléphone. Alors j’ai déclaré ma flamme.

— Chez moi, l’amour est venu petit à petit. Je ne pensais pas au mariage. Et puis, j’ai été touchée par sa sincérité.

— Je suis un peu allergique au protocole, aux traditions… La période des fiançailles a été éprouvante. Notre folklore ne tient pas compte des réalités individuelles. Nous avons deux cultures. On prend le meilleur de chacune. Mais ce n’est pas si facile. Alors j’ai écrit une lettre à son père, puis j’y suis allé, avec une bouteille d’alcool… Le must du must. Comme on le fait en Afrique. On a fait les fiançailles, une belle fête, on a mangé africain. J’étais très, très bien habillé. Mais l’éclairage était sur elle, autour d’elle tout était flou, elle était radieuse ! 

— J’étais stressée, car je sais qu’il y a des choses qu’il n’aime pas trop. Mais je sais aussi qu’il est très calme.

— Puis il y a eu le mariage. Trois ans après. 

— Jusqu’au jour du mariage, je suis restée chez ma mère. On ne peut vivre sous le même toit que si on est mariés. C’est comme ça chez les Congolais.

— À la mairie, j’ai trouvé que c’était un peu expéditif. Le Maire avait l’air agacé par les photographes… Moi ce jour-là, j’avais un homme de compagnie. Et elle une dame. Pour nous aider. On leur délègue les problèmes pour la journée. Pour se libérer. Et puis il y a eu beaucoup de musique, la musique rend réceptif, elle nous détend. Nous en avons besoin pour nous lâcher. C’est comme la danse… Alors on a dansé !

— Le moment le plus émouvant ? C’est quand j’ai dit mon poème. Cela faisait des mois que je l’écrivais.

— Et moi mon discours. J’ai réussi à dire ce que j’avais à dire sans l’avoir préparé au préalable. J’en suis très fière. 

— Nous aurons des enfants quand nous serons en mesure de les éduquer. J’ai des problèmes pour évoluer ici. Parce que je suis noir. Je suis technicien, je répare les moteurs automobiles. J’ai du travail parce qu’il y a une carence de techniciens, sinon j’aurais beaucoup de mal. Ce n’est pas forcément du racisme, c’est un manque de connaissance, d’ouverture, d’acceptation. Si j’avais les moyens, je retournerais au Bénin. Ce qui a changé ? Je ne peux plus rentrer à la maison à l’heure que je veux !

— Moi j’appréhendais, mais finalement, ça va. Bien.

© Gérard Uféras