SALINE & DANIEL

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— Je suis moitié Chinois, moitié Thaïlandais.

— Moi, moitié Chinoise, moitié Cambodgienne. Je suis née dans la jungle, dans un camp de réfugiés en Thaïlande. Un camp organisé par la Croix-Rouge pendant la guerre civile au Cambodge.

— Nous avons à peu près le même parcours mais moi je suis né en France.

— Nous avons vécu dans des cultures contradictoires ; une culture asiatique : culture communautaire, et une culture française : culture de la consommation, culture individualiste. Nous, nous savons comment nous tenir dans toutes les occasions. Nous essayons de nous intégrer dans nos pays d’accueil. Nous restons humbles, modestes. Nous ne sommes pas sectaires mais méfiants. Nous faisons attention aux Occidentaux. Il faut s’intégrer et en même temps rester méfiant. C’est un équilibre fragile. La France est raciste. J’ai été mis à l’écart. Entendu des remarques blessantes. Je ne suis ni Bruce Lee ni Jacky Chan ! Au travail je le ressens aussi. On s’est rencontrés en jouant au jeu « action / vérité » : en faisant tourner une bouteille. La bouteille s’est arrêtée devant moi. J’ai eu un gage : flirter avec elle. On l’a fait. On s’est revus assez vite. Nous sommes sortis ensemble pendant quelques mois. On gagnait lentement la confiance de nos familles… L’idée du mariage est venue lentement. J’ai fait ma demande au restaurant, avec une belle bague… C’est plus facile de se marier avec quelqu’un qui a la même culture. Quand je suis dans ma propre culture je suis comme un poisson dans l’eau. Pour faire un bon repas il faut de bons ingrédients.

— J’avais le rêve d’avoir ma journée de princesse, je l’ai eue. Je ne sais pas encore comment je vais m’appeler, si je vais changer de nom ou garder le mien. Je n’ai pas réfléchi à la question. Le changement n’est pas obligatoire.

— J’aime beaucoup nos traditions. On passe les portes, les unes après les autres… on soudoie les gardiens… on arrive à la chambre de la mariée… on force la porte…

— C’est une sorte d’enlèvement.

— Une femme, c’est un vrai trophée, il faut la mériter. Et obéir aux traditions. On sert le thé à nos aînés en gage de respect. En échange, ils offrent des cadeaux. Des enveloppes. Dans les enveloppes rouges, il peut y avoir de l’argent, un billet de loto, des bijoux… La journée passe à une vitesse folle. Mais le message lui aussi est passé : je t’aimerai toujours.

— Moi aussi.

© Gérard Uféras